Eaugrise
Le colosse industriel qu'est la Merveille d'Eaugrise se trouve au centre d'un gigantesque marais ravagé par la magie. Même si cette ville se trouve dans le Royaume de la Vie, ce n'est pas une cité-jardin rieuse, mais un gigantesque scarabée de métal dont les raffineries, les manufactures et les fonderies de l'Ironweld crachent une fumée âcre.
La Merveille d'Eaugrise repose sur des fondations de métal. Elle est entourée par un anneau de positions d'artillerie, et enfumée par ses innombrables usines. Elle est sise au milieu d'un no man's land d'arbres coupés et de marais bouillonnants.
Au fil des années écoulées depuis sa fondation, ce centre industriel a stoïquement résisté à toutes sortes de menaces. Ses manufactures fabriquent certaines des meilleures armes à poudre noire et des plus gros canons de tous les Royaumes Mortels. Un train d'artillerie d'Eaugrise est un précieux atout pour n'importe quel commandant de l'Ordre. Toutefois, la puissance et l'autosuffisance de cette cité n'ont pas été gagnées sans conséquences.
Au cours de la Saison de Guerre, les batteries de l'Ironweld et les Luminarks de la Collegiate Arcane de cette ville ont décimé les hordes bestiales qui l'assiégeaient, mais le cataclysme que ces armes provoquèrent rendit les terres stériles aux alentours des murailles. Cette région, appelée depuis le Marais aux Goules, est peuplée d'esprits des forêts vengeurs qui attaquent tous les mortels assez stupides pour s'éloigner de la seule voie d'accès à la cité, et qui est lourdement gardée. Dirigés par le mystérieux Treelord Pale Oak, les Sylvaneths de ces lieux en sont venus plusieurs fois aux mains avec les armées d'Eaugrise. Seule la menace d'envahisseurs morts-vivants et de bandes de guerre du Chaos a évité pour l'instant une guerre totale entre ces deux cultures a priori incompatibles.
La guerre est d'ailleurs le moteur de l'expansion de la Merveille d'Eaugrise. Elle remplit les coffres des maîtres de guilde de l'Ironweld et des seigneurs-maçons Dispossessed, et alimente les feux des fonderies de canons. La demande en artillerie et en poudre noire de première qualité est énorme, si bien que les clans duardins qui gèrent les fonderies les plus prestigieuses de la ville sont devenus incroyablement riches et influents. Beaucoup ont acquis une position au Conseil de la Forge, une assemblée de seigneurs et de chefs de clans qui ont encore plus de pouvoir que le Grand Conclave de la ville. Poussé par son avidité et son besoin en matières premières pour tester de nouveaux prototypes de machines de guerre, le Conseil prend n'importe quelle excuse pour guerroyer contre les voisins de la Merveille d'Eaugrise.
Peu d'armées de mortels peuvent rivaliser avec la puissance de feu d'un bataillon d'Eaugrise. Les régiments d'élite d'arquebusiers, appelés Bonnets Gris à cause de leurs couvre-chefs distinctifs, sont accompagnés par des Ironbreakers Dispossessed et des Irondrakes afin de former une ligne de bataille indestructible. Ces troupes très disciplinées sont appuyées par la toute-puissance de l'arsenal de l'Ironweld: des canons et des Helblaster, des bombardiers, des Gyrocopters assurant une couverture aérienne… Tous les généraux d'Eaugrise adhèrent à une doctrine martiale simple et efficace : une puissance de feu délirante.
Les armées d'Eaugrise sont persuadées qu'il n'y a aucun ennemi qui ne puisse être vaincu par la salve d'un millier de canons. Beaucoup d'armées ont tenté de prendre cette cité d'assaut, mais toutes ont été repoussées par les canonnades dévastatrices des pièces d'artillerie disposées sur les remparts. "Rechargez ces canons!" ordonna Dornisson en frappant du poing le parapet en pierre du rempart. "Je veux un feu roulant!" Les artilleurs, aussi bien humains que Duardins, s'activèrent pour lui obéir, et rechargèrent aussi vite que possible les canons, les canons-orgues et les lance-roquettes. La position défensive de Dornisson n'était qu'une parmi tant d'autres. Les abords des murailles de la Merveille d'Eaugrise étaient garnis de tours secondaires, des bastions de fer et de feu, isolés en dehors des étroites volées de marches et des passerelles qui les reliaient aux tours principales des murailles. L'air vibrait littéralement sous les ondes sonores d'un millier de batteries d'artillerie. Dornisson huma l'odeur de la poudre noire à pleins poumons. Le Duardin soupira de satisfaction. Toute sa vie était là : le bruit, l'odeur de la poudre, son goût piquant sur la langue… Il n'y avait rien de mieux. Il se tourna vers les nuées d'ennemis. On les distinguait facilement. Les remparts inférieurs n'étaient qu'à vingt mètres du sol. C'étaient la première cible de tout assiégeant, pour peu que celui-ci parvienne à braver le feu des batteries les plus élevées. Les skavens progressaient à travers le no man's land d'arbres morts et de marécages. La horde s'étirait tout le long du mur sud, et sans doute même au-delà. Il y en avait des milliers. Ils couinaient et couraient sous une pluie de fer et de feu. "J'arrive pas à croire que les créatures des forêts les aient laissés passer…" marmonna un des artilleurs. "Moi si," répondit laconiquement Dornisson. Les Sylvaneths n'étaient pas des alliés de la Merveille d'Eaugrise. Ils n'étaient les alliés de personne. Il imaginait très bien les créatures des forêts qui observaient de loin tandis que la ville était entourée par un océan de vermine. Il jeta un regard sévère au servant. "Occupe-toi de ton boulot et pas de ce que pensent les monstres des bois." Une seconde plus tard, un Luminark positionné sur les plus hauts remparts illumina la nuit. Des détonations magiques explosèrent au milieu des hommes-rats, créant des trous béants dans la horde. Celle-ci marqua le pas, puis colmata les brèches dans ses lignes avant de reprendre sa progression. Alors que le tonnerre des explosions se dissipait, Dornisson perçut un bruit strident familier. Il leva la tête et vit un escadron de Gyrobombers effectuer un passage au-dessus de la nuée. Les bombes solde-rancunes tombèrent et projetèrent en tous sens des corps désarticulés et des mottes de terre. Alors que les aéronefs faisaient demi-tour pour effectuer un second passage, une des machines de guerre des Skavens émit un faisceau vert luminescent qui transperça un des Gyrobombers. L'engin explosa dans des effets pyrotechniques et des fragments incandescents tombèrent au milieu de la horde. En dépit des pertes, les Skavens continuaient d'avancer. Dornisson poussa un juron et cracha de mépris quand une mer de métal et de fourrures pouilleuses percuta les remparts inférieurs. À son ordre, les Helblasters vomirent leur mitraille. Les cadavres des Skavens s'empilèrent en monticules frémissants. "On devrait peut-être sonner l'alarme…" suggéra un des artilleurs. "Faire venir les Bonnets Gris." Chaque section de rempart avait une cloche d'alarme afin d'appeler la garnison stationnée dans le bastion le plus proche, au cas où l'ennemi atteignait les murailles. "On n'a pas besoin d'eux," tranche Dornisson. "C'est notre batterie, et on n'a pas besoin de ces dandys des Freeguild pour nous protéger." Alors qu'il parlait, des échelles en bois et en os vinrent s'appuyer contre le parapet. Leurs crochets mordirent la pierre tandis que les hommes-rats commençaient à monter en couinant triomphalement. Dornisson poussa encore un juron et s'empara de son règle-rancunes. Il pointa l'arme aux fûts multiples vers l'échelle au moment où le premier museau apparaissait et tira, arrachant la tête de l'assaillant et une bonne partie du parapet. Alors qu'il rechargeait, une autre créature bondit sur lui et le fit tomber à la renverse. Il lâcha son arme. Il se débattait en essayant d'attraper un de ses pistolets lorsqu'il entendit quelqu'un sonner la cloche d'alarme en dépit de ses ordres. Il jura de nouveau. Il botterait les fesses de l'imbécile coupable d'une telle insubordination, s'il survivait, bien entendu. La lame du Skaven racla contre son armure de gromril dans une gerbe d'étincelles. Il roula sur le dos. "Barre-toi de mon rempart!" grogna-t-il. Le Skaven put contempler pendant une fraction de seconde le canon du pistolet qui le toisait avant que Dornisson presse la détente. Alors que le corps décapité dégringolait du rempart, Dornisson entendit le pas de bottes ferrées. Une unité de Bonnets Gris investit le sommet de la tour en ouvrant le feu avec ses arquebuses. Les Freeguilders étaient des soldats expérimentés et lorsqu'ils eurent lâché leur salve, ils se servirent de leurs crosses, de leurs dagues ou simplement de leurs poings et de leurs pieds pour repousser l'ennemi. "Ça va, Dornisson ?" s'enquit l'un d'eux en l'enjambant. "Pas grâce à toi, en tout cas," grommela Dornisson en se relevant et en récupérant son règle-rancunes. Les Skavens battaient en retraite. Les artilleurs qui avaient survécu criaient de joie, mais Dornisson les réduisit au silence d'un simple regard. "Qui vous a dit d'arrêter de tirer?" beugla-t-il. "Par la barbe roussie de Grungni ! Je vous ai ordonné de libérer un feu roulant!" Les servants obéirent sur-le-champ. Dornisson sourit tandis que le tonnerre des canons reprenait. Non, décidément, il n'y avait rien de mieux. |
Source[modifier]
- Order Battletome : Cities of Sigmar